Une église antérieure ?
Cette question est récurrente parmi les historiens qui ont étudié Saint-Mathurin. Certains ont pensé que la chapelle édifiée, selon la tradition, sur le tombeau de saint Mathurin, pouvait parfaitement accueillir les foules de pèlerins qui venaient prier le saint, avant le XIIe siècle. Mais cette chapelle, vendue à la Révolution, détruite et incorporée dans une habitation privée, était très petite.
En revanche, bien que seule une fouille archéologique puisse résoudre indubitablement la question, nous disposons d’éléments convergents qui semblent correspondre à l’existence d’une église antérieure à l’église Saint-Mathurin actuelle. Tout d’abord, la charte de 1006 du pape Jean XVIII, qui confirme le don effectué par l’évêque Renaud au Chapitre de sa cathédrale, l’année précédente, mentionne une église dédiée à saint Mathurin « cum ecclesia in honore S. Maturini dicata… ». Dans la donation de Renaud se trouve aussi l’expression « ecclesia in onore Sancti Maturini dicata cum omnibus appenditiis sui ». Mais la réalité de cette affirmation est discutable, car il a été montré que ce texte daté de 1005 était en réalité un faux réalisé un siècle plus tard. Jacques Henriet tire de cette confirmation du pape l’importance de la donation de Renaud.
Plus convaincants sont les textes du XIe siècle qui mentionnent une église antérieure et les possessions qui s’y rapportent : la charte de Hilduin, archevêque de Sens, en 1041 et la charte-notice de 1075 du prêtre Dodon, desservant de Larchant. Cette dernière charte détaille les donations faites à l’église de Larchant en l’honneur du saint. Il est difficile de concilier l’importance de ces dons avec une simple chapelle.
Dans ces conditions, on peut imaginer et mieux comprendre comment la cérémonie de translation des reliques en 1176 a pu se dérouler. Il ne s’agissait pas de présenter ces reliques à la foule dans un endroit vide, mais dans un endroit consacré qui devait être le lieu, intact ou déjà en partie ruiné, de l’ancienne église. Nous constatons le même déroulement pour la cathédrale de Noyon. On y constate qu’une cathédrale a précédé immédiatement l’église gothique du XIIe siècle. Elle occupait approximativement la même position générale et avait le même axe de la nef de l’église qui l’a suivie. Il est évident, dans ce contexte, que le remplacement de l’église antérieure par la nouvelle église est un processus qui se fait progressivement, pour des raisons de commodité et de pérennité du culte. Le nouvel édifice englobant, modifiant ou remplaçant l’ancienne structure et ses fondations.
Michel Lepage