Eugène Mangou, chanoine

Le chanoine Mangou arrive au pied de la tour de Larchant le 20 octobre 1910. Il a 60 ans et vient de quitter avec beaucoup de peine la paroisse de Saint-Sauveur, près de Montereau, où il officiait depuis 28 ans. Monseigneur Marbeau, évêque de Meaux, désigne alors l’abbé Mangou et deux autres prêtres, l’abbé Malnoury et Gautreau, pour fonder une communauté à Larchant et raminer l’église de Larchant et son pèlerinage, qui semblaient alors à l’abandon. De premier abord, l’abbé Mangou et ses amis ne sont pas très enthousiasmés par cette mission qui leur est confiée. Ils se souviennent qu’au séminaire et ailleurs, on appelait cette région du Gâtinais « la Sibérie de Seine-et-Marne ». En effet, loin de la foi qui animait le Moyen âge, les villageois de Larchant n’ont plus guère de besoins religieux. Après la Révolution, les prêtres sont rares et mal préparés aux changements des mentalités. D’autre part, en ce début de XXe siècle, la séparation de l’Eglise et de l’Etat rend difficile la situation des prêtres (laïcisation de l’enseignement, anticléricalisme influent).  En cette année 1910, les habitants de Larchant sont indifférents, voire même hostiles.

Lors de ses débuts, la commnauté sacerdotale de Larchant s’intitule « la mission de Larchant », ce qui est assez dire de la tâche qui attendait les trois prêtres. Installés dans une modeste maison au coin d’une ruelle, près de l’immense église, malgré la fatigue et la pauvreté, ceux-ci se mettent courageusement à l’ouvrage. Il leur faut organiser la vie communautaire et desservir de nombreuses paroisses éloignées les unes des autres : Guercheville, Amponville et Jacqueville pour l’abbé Gautreau ; Fromont, Burcy et Garentreville pour l’abbé Malnoury ; Rumont, Herbeauvilliers et Buthiers pour l’abbé Juton, venu renforcer la communauté et Larchant pour le chanoine Mangou. En 1913, les prêtres changent de maison pour l’ancien logis de Messieurs les chanoines de Notre-Dame de Paris. Les difficultés matérielles s’amenuisent peu à peu. Les prêtres s’improvisent tour à tour menuisiers, maçons, vitriers. Cela étonne les villageois, sans les conduire pour autant aux offices. Avec le concours du sacristain Mathurin Besnard et du chantre Alicia Cornet, le chanoine Mangou s’efforce d’expliquer aux rares fidèles les Saints Mystères, en les faisant chanter quelque fois. Peu à peu les efforts déployés pour la propreté des églises, leur ornementation et surtout l’exemple fourni par l’attitude des prêtres, portent leurs fruits et une profonde influence commence à s’exercer sur les personnes qui assistent aux offices.  Les catéchismes sont ouverts en 1912 et le pèlerinage de saint Mathurin revit. Cette grande fête patronale devint alors l’une des plus importantes de la région. Un bulletin paroissial, trop tôt disparu en 1913, est édité et distribué dans toutes les paroisses.

Plusieurs des jeunes collaborateurs du chanoine Mangou sont mobilisés pour la guerre de 1914 et partent au front. Certains s’y feront tuer. Pendant cette période de guerre, le chanoine assiste les blessés regroupés dans le presbytère de la Chapelle-la-Reine et il en accueille certains dans son presbytère de Larchant. Il s’inquière du sort des soldats de sa paroisse et continue à célébrer les offices et les sacrements malgré son épuisement. L’armistice signé, le 11 novembre 1918, des cinq prêtres de la communauté, deux sont morts et un troisième est immobilisé depuis des mois. Reste le chanoine Mangou, épuisé de fatigue et de chagrin et son ami, l’abbé Gautreau. En janvier 1920, le chanoine Mangou meurt, entouré de ses amis. Les obsèques sont émouvantes, paroissiens de Larchant et de Saint-Sauveur pleurent le bon chanoine Mangou. L’abbé Gautreau part pour les îles Fudji et meurt peu après. Avec lui s’éteint le dernier témoin de la première communauté sacerdotale de Larchant. Une autre communauté verra le jour en 1925, avec les abbés Bridoux et Bard.

 

D’après Solange Besnard